- Les reliures d'Isabelle Rollet -
Techniques contemporaines
Le principe fondamental du montage technique de la reliure est le même depuis le XVe siècle. La décoration des plats suit les courants artistiques de chaque époque mais reste simplement esthétique. Il faut attendre le XXe siècle pour que le décor suggère le texte et le début du XXIe siècle pour que de nouvelles structures apparaissent.
• J'adhère à ce courant contemporain qui offre un renouveau à mon métier. Son respect du livre par le bannissement de certaines opérations irréversibles (grecquage, endossure...) et l'utilisation de matériaux de qualité (papier permanent, colles d'amidon...) permet à un livre ancien comme à un livre d'artiste de recevoir une reliure moderne en lui assurant protection, conservation et originalité.
• Pour élaborer une reliure contemporaine à décor, je commence par regarder le livre. Je le lis bien sûr mais aussi le feuillette, l'observe, l'espionne, l'ouvre, le referme, y reviens. Je m'en imprègne totalement jusqu'à ne plus avoir à y penser. Parfois c'est la perception globale du livre qui m'inspire le décor. D'autre fois ce n'est qu'un extrait du texte, une illustration ou la mise en page...
• Vient ensuite l'aspect technique. La pertinence du choix du montage de la reliure enfonction des contraintes qu'impose le livre: sa taille, son épaisseur, la qualité du papier...
ainsi que celles du projet de décor: la fantaisie de la couture, la matière de couvrure, la particularité esthétique... Une reliure de création se bâtit telle une architecture.
• Si certains projets nécessitent un dessin millimétré, d'autres se réalisent à partir d'un simple croquis alors que d'autres encore évoluent au fur et à mesure de leur réalisation. Je suis très attentive à la composition et à l'équilibre du décor limité par la forme du livre (carrée, à l'italienne...) mais toujours divisée en deux plats et un dos. La création doit fonctionner les deux plats fermés et indépendants l'un de l'autre comme les deux plats ouverts en formant un tout.
• Je reste assez traditionnelle dans le choix des matériaux de couvrure. J'affectionne particulièrement la peau de buffle Orégon pour sa sensualité et sa délicatesse dues à son aspect naturel ainsi qu'à ses veinures. Je mets souvent en adjonction deux couleurs ou deux teintes d'une même couleur comme base de ma composition. Le box et le parchemin sont également des cuirs qui me plaisent à travailler. Le premier pour sa texture lisse et glacée, le second pour sa connotation ancienne.
• Les procédés de transfert d'images, de dorure à froid, de broderies et de mosaïques sont mes préférés.
• J'apporte également beaucoup de soin au travail des gardes. Poser une contre-garde en peau au dos des plats permet d'assurer une continuité entre la couverture et l'intérieur du livre. Les quatre pages vierges entourant l'ouvrage peuvent être de couleur plutôt que blanches afin de servir l'atmosphère générale de la reliure. Seule la première faisant face à la contre-garde en peau est alors en papier décoré moderne.
• Je protège de façon systématique chaque reliure de création par une boîte, une chemise ou un étui sur mesure en adéquation avec le décor de celle-ci.
• Je me considère au service de chaque livre. Certes la réalisation d'une reliure et de son décor m'offrent l'opportunité d'une reflexion personnelle, d'une expression créatrice et d'une maîtrise technique mais ils sont avant tout l'âme du livre, une invitation à sa lecture.
Quelques structures contemporaines
• La reliure de Lyon
Ce montage du XVIe siècle est remis au goût du jour. Venu d'Orient il est introduit à lyon grâce au développement du commerce. Il s'agit d'une reliure à rabat couverte en parchemin. Trois coutures sont réalisées, la première pour coudre les cahiers du livre, la seconde pour attacher le livre à la couverture et la dernière qui consiste à broder les plats. Celle-ci permet de laisser libre cours à son imagination.
• La reliure à mors ouvert
Ce montage est inspiré d'une technique du XVIe siècle. Le livre est cousu sur des rubans de cuir qui sont fixés sur les plats. Leur nombre, leur taille, la façon de les fixer ainsi que la couture apparente prennent part au décor et permettent des réalisations très différentes.
• La reliure à charnières piano
Ce montage est inventé par Françoise Wicker. Des bandes de papier gainées de cuir sont
cousues dans le dos des cahiers puis entaillées et décalées en quinconce. Des tiges métalliques passent dans les ces bandes reliant ainsi les cahiers deux par deux. Une alternance de couleurs sur le dos du livre est donc réalisable.
• La reliure à structure croisée
Ce montage est conçu par Carmencho Arregui. La peau qui recouvre chaque plat se prolonge de bandes. Ces bandes se croisent sur le dos du livre et servent de support à la couture.
• La reliure à la japonaise
Ce montage est imaginé par Florent Rousseau suite à son questionnement sur la reliure japonaise. Des bandes de papier sont cousus dans le fond de chaque cahier. Ce sont elles qui sont perforées et reçoivent le fil de couture.
• La reliure criss-cross
Ce montage est créé par Anne Goy. Les plats ainsi que le dos de la couverture sont attachés ensemble grâce à un fil entrecroisé. Les cahiers du livre sont cousus sur ce fil.
• La reliure à structure tressée
Ce montage est mis au point par Jacky Vignon. Le livre est cousu sur des rubans de cuir permettant la base du tressage.
• La reliure à plat rapporté
Ce montage est pensé par Sun Evrard. Le dos est arrondi puis recouvert de peau, les plats sont couverts indépendamment et collés sur les pages de garde.